vendredi 4 octobre 2013

Et tu as fini les écrits du barreau

Par une dernière respiration, par une ultime ondulation de la main, par le sursaut du point final, tu as scellé le sort. Chancelant, saoulé d’adrénaline et hagard de tant de luttes, tu t’es levé du siège.
  
Il est 12h30, le soleil est radieux.
Tu as fini les écrits du barreau.

Les mille concurrents s’échouent, se bousculent, se figent sur les trottoirs de l’université devenus trop étroits. La cigarette s’allume dans un piétinement polymorphe. Un tohu-bohu de mots se répand dans une clameur nouvelle.

Il est 12h30, l’après-midi t’appartient.
Tu as fini les écrits du barreau.

Il y a urgence à retrouver la Vie, la lumière naturelle, la souplesse du corps. Il y a nécessité de quitter le bureau, la caresse aux livres, le rapport au Droit. Se délester et céder, un temps, à l’euphorie, l’allégresse, la turbulence joyeuse des débuts de vacances.

Mais peut être en a-t-il été autrement.

Comme un vertige, un ressac, un spleen amoureux.
Comme le début d’une fin ou la fin d’un début.
Dans une langueur fébrile toute post coïtale,
J’ai fini les écrits du barreau.

dimanche 23 juin 2013

Les derniers cours du barreau

Alors que la Turquie se soulevait pour ses arbres, que Kechiche remportait la palme d’or, que l’Iran élisait son « Cheik de l’espoir », que Christine Lala nous régalait de ses liaisons dangereuses épistolaires et que le Brésil lançait son « printemps tropical » (oyez les journaleux, faut lâcher du leste sur « les printemps », c’est l’automne en Amérique du Sud), moi, étudiante ordinaire, j’ai commencé, écrit et rendu mon mémoire
(#lavulnérabilitédel’enfantdanslecontentieuxdesétrangers)
(d’où mon silence, tu me comprendras).

Aussi, cher préparationnaire, ce fut le mois des derniers cours du barreau.

Tandis que c’est toujours l’automne à Paris (Joël Collado donne nous la même pour cet été et nous travaillerons avec diligence sans l’appel des sunglasses), que l’amphi se vide et que les intercours ne bruissent que du choix des prépas privées estivales, les derniers cours m’ont laissé partagé.

Entre méga-kiff (donne moi ta main, et prends la mienne, mais oui mais oui l'école est finie♬) et méga-flip (dans 85 jours passe ton barreau), je ne cesse d’invoquer mon karma en le priant de mettre fin aux cycles de recommencements (façon Bouddha regarde moi bien dans l’œil, si je dois encore être là next year, je me ferai Hara-Kiri).

Néanmoins, nonobstant le spleen latent du préparationnaire 2ème génération, j’ai l’intime conviction que les derniers cours sont E-SSEN-TIELS.

Si toute ma scolarité, j’ai épié – non sans un profond dégoût mépris– les « groupies harceleuses» encerclant le prof d’amphi en quête d’« indications » pré-partiels, force est de constater que, pour le barreau, Herr Professor se fait Prophète de lui-même.

Alors que chaque épreuve offre un panel d’exercices différents (dissertation, commentaire d’arrêts et cas pratique) et que le programme est aussi vaste qu’une « mer sans fond dans une nuit sans lune », il semblerait que les Maîtres veuillent te gratifier de ton engagement (rappelle toi : il est 22h et je tape frénétiquement sur mon ordi depuis quatre longues heures). Dans leur dernière logorrhée, tous te livrent des pépites.

Le loyal t’annonce que « l’épreuve ne portera que sur les points abordés dans les séminaires ».
Le suggestif te propose « de relire très attentivement l’ensemble des jurisprudences portant sur tel sujet ».
Le « Matah Hari » t’indique qu’il a reçu des « instructions » pour faire de l’épreuve un commentaire d’arrêt.

S’y fier ou ne pas s’y fier, telle est maintenant la question.

Passe ton barreau, pécho ta robe et aime tes profs (c’est eux qui font les sujets).


mardi 21 mai 2013

Face à mes contradictions


« Ni la contradiction n’est marque de fausseté, ni l’incontradiction n’est marque de vérité »
B. Pascal

Tu connais, comme moi, les « petites-contradictions-de-la-vie » qui font que plus rien n’est vraiment cohérent quand, dans l’intimité de ton nombrilisme démoniaque, tu te livres  à ta propre « théorie du bilan » (CE 1971 Ville nouvelle Est).

Devenir aficionados du yoga et continuer d’enrichir la Tabacco Compagny ?
« normal»
S’alimenter de soupe et bouloter des cacahouètes à la moindre occas’ ?
« logique »
S’autoproclamer altruiste (au sens d’amour désintéressé d’autrui) et prendre de haut la serveuse parce que je suis pas lunée ?
« malsain »
Dire « ce soir je bosse all the night long » et finir sous la couette avec la dernière BD de Margot Motin ?
« essentiel »
Ecouter Mathi me parler de « vacances d’été », acquiescer à ses propositions et savoir que je n’irai pas (bordelculbarreaudemerde)
« inutile »

Par malhonnêteté intellectuelle je m’arrête ici (tu sais comme moi qu’il y a des gros doss’ bien plus « crousty » mais gardons-les bien planqués). En bonus, permets moi de te rappeler le bon vieux Prévert de ton CM2 « Je suis comme je suis, je suis faite comme ça, Que voulez-vous de plus, que voulez-vous de moi »(répète-le en mantra, tu t’excuseras toute contradiction dérangeante).

Anyway, faut que je te débriefe mes contradictions du moment. Cher préparationnaire, je t’annonce : j’ai le doute qui gueule dans ma tête, j’ai la vocation qui se cherche.

Alors que le 1er mars, je te livrais ma définition de l’avocat façon le mot, la verve, l’humain, alors qu’il y a peu, j’avais envie de sortir la machette les fléchettes (en mode casse toi pov’conne, t’as rien compris à l’honneur de la robe) lorsqu’une préparationnaire à la dent aiguisée me balançait tout de go «je veux bosser dans une multinationale, je passe le barreau pour faire monter la grille de salaire», j’ai des aveux de culpabilité à te faire.

Primo, je prépare une candidature pour un LLM en droit des affaires (en mode j’adooooooore les marchés publics, prenez moi chers amis privatistes et faites de moi un hybride) (Sinon,je t’avais déjà parlé du droit des étrangers, nan ?).

Deusio, je n’arrive pas à effacer la prise de conscience le sentiment qu’a provoqué « Délits flagrants » de Depardon, façon 7 ans d’études pour se retrouver dans un box crasseux avec un chelou sous méthadone qui vient de taper une gonzesse et… que tu dois défendre.

Tertio, alors que mon pote Gaet’ me parle de droit pénal DES AFFAIRES, que ma cops Morell’s me tchatche de FISCALITE internationale, que Margot m’évoque des reconversions expresses du droit de la propriété intellectuelle au droit BANCAIRE (la faute à la crise – LOL) et que les stats annoncent une partie non négligeable d’avocaillons sous la barre du SMIC... je commence à songer à aller tâter du gros marchés publics à Doha, (« Ce pays n’a pas de droit du travail et te catch ton passeport quand tu arrives pour taffer, tu cautionnes ? » Ta gueule la contradiction)

Passe ton barreau, Pécho ta robe, et va bosser chez Areva Middle East.

lundi 13 mai 2013

Les derniers partiels et la vie 3/3


La boulimie de la vie ou mon « rembobinez s’il vous plaît »


Après l’effort encéphalique,
L’enfermement,
Et les caresses aux livres,

Ouvrir la boîte « pandorique » de toutes les joies.
Innombrables.
Succulentes.
Infimes.

Marcher sur les œufs d’or du bonheur,
Se régénérer d’allégresse,
Être saoule d'une euphorie béate.

S’éparpiller d’éclats de voix en éclats de rire :
Marcher sur Paris de nuit,
Faire pipi dans des buissons,
Refaire le monde encore une fois et différemment,
Boire un dernier verre parce que demain on s’en fout,
Se raconter jusqu’à quatre heures du matin,
Claquer le talon de 12 sur le bitume noctambule,
Être grinçante et jouer de leur déconcertement,
Regarder, émue, les amitiés naissantes s’esquisser,
Glousser à l’arrière d’une vespa,
Aller à un vernissage,
Faire les fous dans un photomaton,
Se déguiser pour une soirée Dirty Safari,
Embrasser Cha',
Dormir.

Ecouter l’intimité du chuchotement personnel:
Se retrouver en promenades solitaires,
Sereine,
Confiante,
Reconquérir les éternelles et insatiables paillettes de bonheur qui sautillent à l’intérieur de soi.
Y croire,
De nouveau.

Être à Aix-en-Provence:
Le bleu du ciel
Le gris de la Sainte-Victoire
Le calme vert du jardin
Faire des muffins à la framboise, du lemon curd et du caramel.
Être avec les siens et y être bien.

Loin du terrier, du rat et de la carpe.
La vie, aussi chouette, qu’une série photos d’Olivia Bee.

mardi 30 avril 2013

Les derniers partiels et la vie 2/3


Droit international

Vendredi, midi.

En théorie, tu envisages toujours le matin précédant un partiel comme un créneau bonus te permettant de relire les derniers articles doctrinaux publiés par ton prof.

En pratique, ce matin là, tu es rarement capable de quelque chose.

Levée beaucoup trop tôt (en pensant pourtant qu’il n’est plus l’heure d’être à l’heure), je m’extirpe du terrier en direction de la bibliothèque, où, arrivée sous la grande verrière et la lampe opaline, poco a poco, ma concentration diligente se mue en une excitation dissipée. Je survole les fiches, je me répands en pronostics, je zone dans l’aile Soufflot entre café-gobelet, Winston Slim, et pipi-room.

Le droit international public est une belle matière d’utopistes, relativement agréable à étudier (j’adore, en plus des noms bigarrés de la jurisprudence, les leçons de géopolitique qui s’y trament en décalcomanie). Anyway, il est 11h50, l’ambiance se plombe peu à peu. De sa grande natte blonde, de son mini 36, et de son QI XXL, « Madame le Professeur» pénètre la salle d’examen.

« Dans quelle mesure les extraits rapportés de la décision CIJ 1957 Certains emprunts norvégiens France c/ Norvège illustrent la logique du droit international public ? »

#volonté commune des états
#conditions de réciprocité
#subsidiarité du juge international.

Droit public n°1

Lundi, quatorze heures.

En théorie, tu penses que chacune de tes compositions universitaires répondra à la formule cicéronienne « la pensée est libre ».

En pratique, sache que si tu dois d’abord te coffrer la méthodologie de la forme et la rigueur du syntagme juridique, tu finiras, en fin de second cycle, par t’abandonner entièrement à l’éthique du Maître.
Herr Professor tient à ses postulats et souhaite se masturber l’égo en lisant ta copie.
En conséquent, s’il te suggère d’abord subrepticement d’acheter son bouquin (« tout le cours est dans mon livre », façon « je dis ça, je dis rien »), c’est pour, ensuite, te balancer un partiel sur un sujet qu’il adule.
En clair, si t’as pas l’aura intellectuel d’un Habermas en devenir, il t’est absolument conseillé de ne pas faire de vague - «l’ennui naquit un jour de l’université » Balzac

L’exercice devient plus pénible encore lorsque le fameux bouquin (et donc l’ensemble du cours, t’as compris) aborde les mouvances du droit constitutionnel façon 100% réac (la-faute-à-l-immigration/la-faute-aux-droits-de-l-homme/et-vive-le-souverainisme).

Dès lors, tu fais «le trottoir sur ta copie », tu racoles activement der Herr Professor.
Prise en flag de fayottage, t’en viens même à t’épancher sur la décision d’irrecevabilité de la CEDH concernant le référendum suisse anti-minaret.
#Honnêteté intellectuelle en berne mais je veux mon année

Droit public n°2

Mardi, treize heures.

Le vote du projet de la loi Taubira a lieu à l’Assemblée, je passe le dernier partiel écrit du reste de ma vie (te braque pas sur l’effet d’annonce, y a peut être moyen que je me chauffe pour un LLM). Je maîtrise P-A-R-F-A-I-T-E-M-E-N-T les 25 jurisprudences fondamentales et considère avoir intégré la complexité du séminaire.

Et pourtant, au moment de tout donner, une lazy synergie m’envahit, une quasi-flemme, une langueur d’esprit, un manque d’étincelle…

#Foutredieu
#il y a du soleil
#allons boire des coups

dimanche 28 avril 2013

Les derniers partiels et la vie 1/3


J-10 : bureau, fiches et manuels

A 7h30 réveil, à 7h50 thé vert, à 8h pain grillé et confiture de myrtille.

A 8h30, bureau, fiches et manuels.

Chaque matin, dans les environs de 8h40, j’épie mon petit vieux de voisin, tout vêtu de son peignoir jaune, préparer sa Ricorée. A 9h15 précisément, le « petit couple» d’en face quitte les lieux, en partance pour l’école d’avocats. (Les enculés chanceux ont eu le barreau cet été (la vérité, c’est vrai) (et je te raconte pas le calvaire que ça a été d’annoncer à leurs mines radieuses l’échec lâchement minimisé par un « j’ai foiré l’oral »)

Dépassant mon côté « Amélie-Poulain-je-guette-tout-ce-qui-se-passe-dans-l-immeuble », je me bouchonne l’oreille d'une paire de boulles Quies fluo, révise jusqu’à 13h, allume la radio (mais quelle régalade cette affaire Cahuzac !) et fais chauffer des Penne Rigate.

A 14h, en pyjama, sans maquillage, le cheveu sec non démêlé : bureau, fiches et manuels.

A 16h30, j’enfile un maillot de bain à fleurs, je sors dans le quartier. Je respire l’air. Je vais à la piscine.

18h, bureau, fiches et manuels.

20h, je bois une soupe aux « légumes du soleil » (et vive Picard) en écoutant de la musique les décibels «à donf». Je danse « la danse qui défoule » en faisant sécher ma manucure « nails-caviar ».

A 21h30, bureau, fiches et manuels.

A 23h, je lâche tout, je m’enroule dans la couette et mate « The Staircase » en fumant des clopes.

Contre toute attente, du fond de mon terrier, je me fous de l’hypothétique redoux, des sorties ciné des mercredis à venir (et fuck l’ « irrentabilité » de ma carte UGC) et des apéros en terrasse de chaque week-end prochain. Silencieusement, je tiens l’objectif, je savoure l’adrénaline, j’apprécie le « face to face » tranquille entre « me, my self and I ».

Et si l’ecclésiaste nous enseigne qu’ « en augmentant sa connaissance, on augmente ses tourments », laisse moi préférer l’aphorisme inaugural de l’institut du monde arabe, « le savoir confère un pouvoir éternel » (si tu en connais l’auteur, envoie moi un mail, ça fait longtemps que je cherche sa trace).

Car, rétrospectivement, ce n’est pas rien de se tenir, en ce vendredi 19 avril, sous les arcades majestueuses de la place du Panthéon, la tête pleine de jurisprudences de la Cour de justice internationale (d’ailleurs je vais me prendre cette matière à l’oral du barreau, j’aime bien les noms « poétiques » des arrêts - #Plateau-continental-de-la-mer-du-Nord #Pêcheries-norvégiennes #Cargo-Winner)à savourer un dernier shoot nicotinique avant l’ouverture des derniers partiels.

A t’en foutre la larme à l’œil (maquillé, pour l’occasion).

samedi 20 avril 2013

Passe tes partiels, reprends ton blog

Je t'avais parlé du "marathon de la fiche",
Je t'avais expliqué les "situations-merde-noire-pré-partielles",
Comme en avant goût de l'été,
Nous y sommes.

Laisse-moi encore trois jours de silence.

Et en m'attendant, fais moi passer ce compteur-bloggeur au dessus des 10 000 vues.


samedi 13 avril 2013

Le terrier, le rat et la carpe


Il y a un an, tu m’aurais dit que mes vendredis soirs s’occuperaient à boire du thé devant le gris de mon bureau, je ne t’aurai pas cru (« Sinon, y a apéro/soirée/after aux « Enfants de Paris », tu viens ? »)

Il y a un an, tu m’aurais dit, que je passerai mes vacances de printemps à tenter de finir  un mauvais sujet de mémoire, je t’aurais rétorqué que le soleil c’est sacré (« Nan mais allô quoi » à la même période j’étais avec Blondy à scruter les étoiles de Santorin en buvant de l’Ouzo à la santé de « Pépère » (rappelle toi, c’était le premier tour et m’agresse pas, j’avais fait une procuration).

Il y a un an, tu m’aurais dit qu’un an plus tard, je serai TOUJOURS en train de passer le barreau, je t’aurais dit d’aller te faire foutre.

Autre chose.

Il y a deux mois, tu m’aurais dit qu’un braqueur de deux roues m’aurait ENCORE UNE FOIS volé mon vélo (la deuxième fois en 42 jours) (la faute à l’anagramme ou quoi ?), je t’aurais dit de m’offrir une pince-coupe-cadenas pour mon anniversaire (ouais c'était début avril). Parce que sans vélo : pas de bibliothèque (#jeveuxplusprendrelemétroçamestresse#).

Et donc ?

C’est l’histoire vraie du terrier, du rat et de la carpe (Big Up Jean-Jean la Fon-Fontaine).

Comprends donc que je m’installe plus intimement encore dans l’atmosphère cistercienne du préparationnaire (marquant ainsi la fin des départs matinaux oxygénant et l’oubli du café-goblet bavard avec les friends de la bibli).

Dès lors, je transforme la maison en temple du savoir (viens donc jouer à la marelle sur les feuilles éparpillées), je maximalise le temps, j’arbeit au terrier.

Lecteur préparationnaire, n’entends-tu pas le métronome s’activer subtilement (dans 165 jours, passe ton barreau), les échéances se rapprocher succinctement (dans 7 jours, passe tes partiels) et le temps t’échapper chaque jour un peu plus ?

Et, ressens-tu le rat qui grignote ?
Dès le réveil, durant la journée, et perfidement le soir venu :
Le rat grignote le ventre comme une sensation d’intestins saucissonnés,
Le rat grignote le cœur, l’humeur, l’envie rendant tout linéaire,
Le rat grignote l’encéphale activant le doute et générant la peur.

Quand je finis par sortir du terrier, pour retrouver l’amitié radieuse des vendredis soirs, j’ai parfois l’envie de me faire carpe. Comme un moyen de rester en dehors du jeu, comme une façon de ne pas précipiter l’envie d’être cigale (et puis surtout parce que le terrier et le rat, ça n’a jamais intéressé personne)

« Je te souhaite de trouver bientôt ton état normal dans le travail, qui est, je le pense, malgré toutes les alternatives, le seul refuge où l’on trouve le contentement réel de soi » P.Cézanne

mercredi 3 avril 2013

Les petits rêves frivoles d’une préparationnaire


Quand j’étais petite, je spéculais sur mon indépendance en l’imaginant vouée à la possibilité infinie de manger du Nutella à toutes heures de la nuit.

Quand je fus lycéenne, je pensais que toute la vie s’habillerait de longs jupons de coton et de fleurs dans les cheveux.

Quand je suis arrivée à la fac de droit, j’ai oublié le Nut’ (You know en plus des super-calories, il y a du mauvais-plastique-crado) et enfilé l’uniforme de l’étudiante (Big Up Claude Pinoteau) pour me consacrer au code civil (Ô rappelle-toi la fierté de ta première fois, quand, tout juste déballé de son plastique transparent, tu ouvris le lourd pavé li de vin, symbole de ton entrée dans le club des Portalis/Maleville/Tronchet).

Après les incertitudes innombrables (en vrai, ça s’arrête un jour ?), toujours engendrées par une vox populi férue de phrase type «c-est-impossible-d-avoir-sa-L2-sans-redoubler », j’ai songé au barreau dès ma deuxième année.

Maintenant, comme tous préparationnaires investis, je rêve de ma prestations de serment (j’ai déjà choisi les shoes – rappel de couleurs oblige, ce sera une paire de Cambon Chanel), je fantasme mes futurs jeunes-mâles-dociles-de-stagiaires et chaque heure chaque jour, tel un mantra dédié à Ganesh, je répète en boucle « Passe ton barreau, pécho ta robe » (#Hellocestmomentcom#).

Mais permets moi de te susurrer mes plus intimes ambitions.

Outre le sourire greffé un mois durant façon Julia Roberts (incarnant Erin Brockovich plutôt que la pretty woman de Vivian Ward please), la méga-teuf-de-72-heures avec les friends, l’appel ému aux grands-parents, et la virée lèche vitrine chez Ponsard & Dumas, j’ai mes « petits rêves post barreau » comme des envies minuscules et frivoles qui marqueraient la grande victoire de mon abnégation (et le triomphe de mon encéphale).

Ainsi, je t’annonce, dès que j’ai le barreau :

1) Je vais me teindre la tignasse en rousse incendiaire (parce que Maître Karlsson dans Engrenages c’est moi version pénaliste les zboubs en moins (et puis, je l’admets, je voue un culte inégalé à Isabelle Huppert – grimace pas je L’aime)

2) Je me fais tatouer la balance graphique des éditions Dalloz : je me tâte encore quant à l’endroit (le pied c’est bien nan ?)

3) Je débute ma collection privée de code civil. Visualise mon bureau de ténorE du barreau, la soixantaine bien frappée, exhibant un mur de codes débutant par un collector de 1804, reprenant en 1987 (maintenant tu connais ma date de naissance), et s’achevant en 2054 (je ne t’évoque pas la retraite, ça n’existera pas pour nous).

mercredi 20 mars 2013

Passe ton barreau, peaufine ta fiche


Tout bachelier respectable, tout étudiant concerné a déjà expérimenté « la fiche » à savoir la mise à plat en synthèse pertinente d’un cours sur papier bristol. Pour ma part, j’ai toujours considéré la fiche comme un instrument essentiel permettant la découverte du cours la réactivation des connaissances et le début de l’apprentissage.

En droit, ficher est un sport national. Se pratiquant essentiellement dans les périodes pré-partiels (« le marathon de la fiche »), certains aficionados de la pensée organisée s’y livrent toute l’année avec régularité.

Être « toujours en train de ficher » 14 heures avant un partiel de finances publiques exprime une situation-merde-noire, «ficher le TD » permet d’être performant aux questions missiles de ton chargé, «demander les fiches » de ta connaissance d’amphi, sans aucune contre partie (lance rapido ton action en rescision pour lésion), revient à vouloir lui spolier une partie de l’effort de guerre.

La fiche est un art.

L’ayant expérimentée sur tous les formats (de l’A3 à la version mini-fiche-ticket-de-métro), sur tous les supports (de la page blanche au quadrillage) et sur toutes les matières (crayon papier, bille, plume, stabilos), j’aime que la fiche soit typologiquement intéressante et qu’elle finisse sale et cornée (preuve parfaite de mon assiduité). Ficher un cours de 150 pages pour en faire 60 fiches récapitulatives te donne toujours un peu d’entrain (ressens la joie éphémère due à la réduction quantitative de ce que tu dois maintenant apprendre par cœur).

Seulement, avec le barreau c’est différent. Primo je pratique la fiche « à l’ordinateur » (moins chronophage). Deusio, sache qu’il ne s’agit plus de 150 pages mais d’un total de 3000 pages à synthétiser.

Dès lors, scénarise dans ta tête un travail de fourmis (en étant très concentrée tu « fiches » environ 7 pages/heure – soit 428 heures de fiches en perspective – Youpi-i-i-i), un travail de patience (comme l’impression d’être au premier jour de ton ascension du Kangchenjunga lorsque t’ouvre ton pavée de droit des obligations – appelle moi syngué sabour), et donc un travail assez pénible.

Quid de la synthèse : j’ai tellement peur de « planter le barreau » à cause d’une petite jurisprudence récente ou d’une subtilité a priori insignifiante que je fiche en quasi intégralité les manuels conseillés. (Compte 488 pages de fiches finalisées pour l’épreuve de procédure administrative).



Passe ton barreau, pécho ta robe et aime tes fiches (tu vas bientôt dormir avec).




dimanche 17 mars 2013

En attendant la robe, chronique d’une dérive vestimentaire


Septembre 2008 : Mate mon law profile

Avant ton premier cours d’introduction au bicamérisme dans un amphi saturé de testostérones post bachelières, l’arrivée en fac de droit se concrétise par l’appréciation minutieuse du code vestimentaire des autochtones : la découverte du « law look » s’alliant à la grande dérive consumériste du « preppy style » eut une saveur toute grisante de pêché interdit.



Mon adaptation imitative fut expresse : à trop observer les brochettes de baby skin (18 ans et 3 mois au compteur) déambuler sur talons de 12 pour les TD de 7h45 (scandale !!!), il ne me fallut que quelques jours semaines pour adopter le « law profile » (l’oreille perlée, la « petite robe», la veste de tailleur – les sacs griffés XXL et la chevalière or massif en moins).


Le mimétisme (plus motivé par l’expérience du «j’ suis un caméléon » – renomme moi Comtesse de Castiglione que par le sentiment d’appartenance ou l’envie de sociabiliser - compte moi 4 amis en 5 ans) triompha rétroactivement de l’ensemble de mon dressing. De robes en soie en pantalon cigarette j’ai fini par troquer mon sac Gérard Darel pour une serviette en cuir cognac #seprendreausérieux.com#.


Mars 2013 : Epargne mon Low Look



Un matin d’hiver, au hasard d’un trajet maison-bibliothèque, faire face à une vitrine de miroitier, questionner la silhouette et entendre mon fort intérieur me chantonner goguenard le « tu t’laisses aller » du vieil Aznavour.

«Ah! Tu es belle à regarder
Tes bas tombant sur tes chaussures
Et ton vieux peignoir mal fermé
Et tes bigoudis quelle allure
Je me demande chaque jour
Comment as-tu fait pour me plaire? »

Oublies les bas (I hate ces trucs tout fin qui se filent sans cesse) et les bigoudis (le cheveux est bien assez frizzy) et visualise un look de rat de bibliothèque aliénant ma féminité entière et tout sex-appeal potentiel.

A lire la Gazette du Palais plutôt que le ELLE, à passer mes samedis en amphi plutôt qu’en itinéraire shopping, je suis devenue l’ambassadrice du no style, l’égérie des no look, la frustrée de la fashion planet.

Tandis que ma baby skin fait vieille peau, j’ai perdu le goût du paraître. Dès lors, je déambule, façon tout confort et sans complexe, sapée comme une collégienne : comprends à plat dans mes baskets, à l’aise dans mon legging, au chaud dans mon sweat shirt. Pour parfaire la no dégaine, je me suis mise au sac à dos (la honte sur toute ma descendance) et le cheveux (sec –en attendant d’être gras) reste H24 tiré en chignon.

S’il me vient à regretter le goût des belles choses (en hurlant chaque matin dans la maisonnée « j’ai plus une Friiiinnngueeeee »), sache que je ne vais plus me rincer l’œil sur les vitrines de la rue des francs-bourgeois mais sur des sites de geek, vendeurs d’habits complètement régressifs.

Si, cet hiver, mon pote « Ju le Hipster » m’a interdit dissuadé d’acquérir ce manteau fausse fourrure ASOS avec capuche à oreilles de nounours («Oublie, t’as plus 12 ans »), ma lubie du moment est représentative d’une régression vestimentaire caractérisée.

Exit les rêves de It dress, je veux un sweat au fond psychédélique orné d’un hamster « cro mimi-mimi » brandissant les attributs de la monarchie.


Passe ton barreau, choppe ta robe et retrouve ton look (ou finis camionneuse).

samedi 9 mars 2013

Le(s) dîner(s) avec mes copines du barreau


Un jour, au milieu « des pétasses du 6ème arrondissement, descendantes de trois générations d’avocats et s’habillant exclusivement au Bon Marché » (ne vient pas m’agacer pas avec le principe de non discrimination, je serai obligée de te rappeler mon droit à la liberté d’expression #languedeputeaddict#), j’ai trouvé des copines à la fac de droit.

Rencontrées fortuitement en travaux dirigés de droit public de l’économie à raison de commentaires grivois sur notre chargé très sexy-croc, je les ai ensuite retrouvées pour passer le barreau.

Avec elles j’ai passé plus 1080 heures (=7920 minutes/jour réparties sur 12 semaines), emmurée (fucking bibliothèque) avec pour seul dessein la maîtrise totale de ce qui se tramait silencieusement dans mes bouquins (« Bordel, c’est quoi un pacte par succession future ?»).

Si l’expérience ne vaut pas le détour, je t’assure que ça créer des liens solides (la version étudiante du camp scout-camping-bivouac).

En période de barreau, la pause déj/dîner (25 minutes pour t’alimenter d’un sandwich desséché et gober 3 cafés-gobelets-dégeus) (Bon ok, des fois on s’octroyait un croque monsieur à la terrasse du Vavin mais toujours en lorgnant le rosé de la table voisine en buvant l’eau de la carafe) et la clope expresse sont les moments « sunshine » de ta vie.

Tes copines de galère deviennent celles à qui tu exhibes sans complexe tes mauvais cernes (5 cm de profondeur, taux noirceur variable), celles que tu appelles 28 fois par semaine pour t’entendre dire/leur dire « lâche rien, donne tout », celles avec qui tu rêves à haute voix d’une vie meilleure.

Ainsi, quand le soir du jour des résultats aucun de nos trois noms s’est trouvé mentionné sur la liste d’admissibilité, nous sommes devenues des comparses « for the rest of our life », trinquant, hilares (entends rire jaune de hyènes meurtries), à notre médiocrité (chacune d’entre nous clamant avoir espéré jusqu’au bout la réussite des autres, toutes admettant que l’échec général était indéniablement fédérateur).

En souvenir de notre « summer of work » et en prévision de celui qui arrive, nous faisons bonne chair une fois par mois, nous livrant alors à des discussions de plus en plus paradoxales(compte six heures de tchatche enflammée) :

1) L’analyse de l’échec (« j’aurais eut 2 semaines de plus pour réviser je l’avais – cette année je commence à bachoter en juin »)

2) L’analyse de nos capacités (« le barreau, on l’aura, c’est facile (ou pas), on est pas des débiles (même si l’expérience prouve que…)»

3) L’analyse de la profession («j’ai des amis d’amis qui sont avocats, qui trouvent pas de collaboration, qui sont payés 2000 euros HTC, qui finissent à 23h, qui bossent le week-end, qui sont célibataires, qui deviennent alcooliques, qui font une dépression et qui prennent des anxios. Euh pourquoi je veux faire ce métier déjà ?»)

Concluant toujours par un « faut se barrer vite et loin » (la faute à la crise), nous fantasmons l’ouverture de notre resto français branché-cosy-stylé sous des contrées exotiques (Beijing/Bogota/Pondichéry) (la vérité on tient notre business plan).

Après tout ça, on en revient toujours hic et nunc pour une bonne dernière tchatche de pétasses parisiennes intra muros (entends le combo gossip/mec/manucure).

Soit, rappelle moi que je t’ai écrit que le vendredi soir je m’appelle Cendrillon.

Demain, samedi, 9 heures, dans un amphi sans fenêtre et sans chauffage, j’ai trois heures d’épreuve de droit public de l’économie et le chargé sexy-croc n’est plus là.

Passe le barreau, pécho ta robe et aime tes week-ends.

dimanche 3 mars 2013

Paie ta note de synthèse


Samedi 2 mars 2012 (amphi sans fenêtre et sans chauffage, la faute à l’autonomie des universités ?) : 12h -17h : note de synthèse.

Le professeur mi chérubin mi guignol, qui m’enseigna cet été la « méthodologie » de la note de synthèse aimait répéter à son auditorat blême (à défaut d’être bronzé – je vais pas te refaire la complainte de la vacancière en deuil mais jouer à Ratus tout l’été implique nécessairement une carence de mélanine – tout teint hâlé est suspect (arrête les coca-clopes sur la terrasse de Beaubourg et retourne quickly à ton bureau si tu veux pas finir comme les autochtones du lieu –  loin de moi l’idée d’évoquer les bibliothécaires  (Big up Aunty)- visualise plutôt la centaine de clochards qui y trouvent une maison).

« Pendant l’épreuve, le destin est entre vos mains, avant non, après non plus, mais pendant l’épreuve oui. Comme disait Lenny Kravitz, « it ain’t over until it’s over »… Donnez tout. Frappez fort ».

Mouais.

Le ton conquérant version United States Marine n’est pas sans me déplaire, mais, ne faisant pas partie de la tribu d’Antigone - chacun ses problèmes de famille - j’eus aimé m’entretenir avec le chérubin-guignol à propos de sa conception du terme « destin » (dois-je te rappeler que le destin est – à la base – une divinité aveugle issue de la nuit et du chaos – en soit pas vraiment une belle rencontre le jour du BIG DAY –).

Soit.

Outre ces références hasardeuses (Lenny Chéwi, I love your songs, mais t’as quand même tatoué sur ton sexy body «my heart belongs to Jesus» après t’être détroussé une belle brochette de mignonnes ok ça me regarde pas), tu as saisi l’importance du moment.

La note de synthèse (NDS pour les initiés) c’est THE épreuve du barreau.

Et le problème c’est que personne ne sait pourquoi (laisse moi être Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je te fous le feu aux poudrières aussi bien que Mohamed Bouazizi – et Shit c’est le ministère de la justice qui fixe les modalités du barreau - #TaubiraGroupie#)

Pute borgne ! Aucun étudiant en droit n’en a J-A-M-A-I-S fait avant (excepté les traîtres qui ont tenté une évasion vers les écoles de commerce). Aussi, laisse moi te prouver que c’est aux A-N-T-I-P-O-D-E-S du métier d’avocat.

Je m’explique.

Imagine un dossier d’une cinquantaine de pages sur un thème juridique patate chaude  affligeant de banalité façon «l’information et le droit » (#bâillementssonores#) ou « la surpopulation dans les prisons françaises » (pour ma part j’ai vu à l’ombre de la république de S.Mercurio à l’espace Saint-Michel avec en guest Gabriel Mouesca, je suis refaite)

Tu dois le lire (très) rapidement, « synthétiser » tes idées en 4/5 pages (si tu fais UNE SEULE ligne de plus sur la sixième page ta note est divisée par deux – Français, ton académisme te tuera, ou t’a déjà tué). Le climax de l’exercice consiste en la citation de tous les documents (compte en une vingtaine regroupant législations, jurisprudences et doctrine. Si tu oublies UN document, ta note est divisée par deux – Français tu serres à rien)

« Célérité analytique » me diras-tu ! Que nenni, tu ne me réconcilieras pas.

Car, là où le bas blesse (vraiment), c’est que la dite note doit être impérativement neutre et impersonnelle…

Mais gardez donc cette épreuve pour les aspirants fonctionnaires du service public administratif ! (Chers lecteurs, je ne suis qu’amour pour la fonction publique (sauf les jours où elle fait grève et m’empêche l’accès au bassin de la piscine), mais sache que le fonctionnaire a un devoir de neutralité et que, de surcroît, cette épreuve lui siéra à merveille).

A l’inverse, l’avocat a pour fonction de défendre son client. Il glose le texte à son avantage (« les petits arrangements du baveux »). Ainsi, il est de nature partial et subjectif (dans la limite du tolérable of course – Prends pas le juge pour un con ça l’énerve - ton client y perdra/ton client tu perdras).

Laissez nous rédiger des conclusions ! (Amis préparationnaires, mettons en place une pétition, demandons les mêmes conditions d’examen que le barreau américain).